Création
Au début
des années 1960, le Special Air Service (SAS) britannique
et les Special Forces américaines créèrent
un programme d'échange par lequel un officier et
un sous-officier du 22 SAS allaient au 7th Special Forces
Group (SFG) pour une durée d'un an, et réciproquement.
Un des premiers participants à ce programme, le capitaine
Charles Beckwith des Special Forces, fut extrêmement
impressionné par les particularités du SAS
(sélection rigoureuse, exercices aussi réalistes
que possible avec planification sommaire, drills à
balles réelles, etc). De retour aux États-Unis,
il conseilla à l'US Army de créer une unité
similaire au SAS, mais ses suggestions répétées
ne rencontrèrent aucun écho.
Ce n'est
qu'à partir de la fin 1975, en étudiant les
rôles des différents composantes de l'US Army
au sortir de la guerre du Viêt Nam, que les hautes
autorités de l'US Army et en particulier son Deputy
Chief of Staff for Operations and Plans (DCSOPS), le général
Edward C. "Shy" Meyer, réalisent le manque
et le besoin d'une force spéciale spécialisée
dans les actions commando. À la suite d'un briefing
en août 1976, le général William DePuy
commandant le Training and Doctrine Command (TRADOC) donna
l'ordre au général Robert C. Kingston qui
commandait l'US Army John F. Kennedy Center for Military
Assistance (USAJFKCENMA, ou plus couramment JFK Center,
unité parente des Special Forces) de développer
un concept d'une telle unité, et celui-ci confia
la tâche à Charles Beckwith, devenu entre-temps
colonel.
Le 1st
Special Forces Operational Detachment-Delta (1st SFOD-Delta,
appelée couramment juste « Delta ») est
placé sous l'autorité du JFK Center, qui dépend
lui-même du 18ème corps aéroporté
américain, qui dépend du FORSCOM qui est sous
l'autorité du DCSOPS, le général Ed
Meyer. Le projet connut une accélération soudaine
à la suite de l'opération du GSG 9 allemand
qui libéra par la force les otages d'un avion de
la Lufthansa détourné à Mogadiscio
le 13 octobre 1977. L'ordre d'activer Delta, avec alors
pour première mission le contre-terrorisme, fut donné
le 19 novembre 1977 (Beckwith étant alors en déplacement
en Europe, il ne le reçut qu'en décembre).
Delta
s'installa dans les vieux bâtiments de la Stockade
(prison militaire) de Fort Bragg. La liste de son personnel
fut classifié. Il lança une campagne de recrutement,
décidant de recruter dans toute l'armée et
pas uniquement dans l'infanterie, à l'instar du SAS.
Delta
chercha également à apprendre toute tactique
ou technique utile auprès d'autres services dont
le FBI et l'United States Secret Service. À l'époque,
le FBI n'avait que des unités type SWAT entraînées
pour des arrestations à hauts risques mais pas pour
libérer des otages. En cas de prise d'otage impliquant
plusieurs terroristes et plusieurs otages, le FBI prévoyait
de confier la situation à Delta dès qu'ils
auraient l'autorisation présidentielle pour le faire.
Delta effectua son premier exercice avec le FBI, nom de
code Joshua Junction, dans le Nevada en mai 1978.
Au cours
de l'année 1979, Delta entama des programmes d'échange
avec des unités étrangères dont le
SAS, le GSG 9 ouest-allemand, le GIGN français et
des unités spéciales israéliennes.
Début
novembre 1979, Delta passa son exercice de validation finale,
devant un jury comptant l'ambassadeur Anthony Quainton,
directeur de l'Office for Combatting Terrorism du Département
d'État des États-Unis, des représentants
des agences concernées par le terrorisme (FBI, CIA,
Secret Service, DoE, FAA), ainsi que des observateurs étrangers
dont le colonel Ulrich Wegener, créateur et commandant
du GSG-9, le général Sir Peter de la Billière,
commandant du SAS Regiment, le capitaine Christian Prouteau,
créateur et commandant du GIGN, et des Israéliens.
Quelques heures plus tard, une foule menée par des
étudiants prit en otage le personnel de l'ambassade
Américaine de Téhéran, en Iran. La
crise iranienne des otages et l'opération Eagle Claw
qui fut menée pour tenter de les libérer par
la force devaient être la première opération
de Delta ...
Opération
Eagle Claw
L’opération
Eagle Claw ("serre d'aigle", aussi appelée
Opération Evening Light et Opération Rice
Bowl) est une opération militaire américaine
menée les 24 et 25 avril 1980 et destinée
à secourir les 53 otages retenus prisonniers dans
l'ambassade américaine à Téhéran.
Une
planification trop complexe, des problèmes techniques
ainsi que des tempêtes de sable imprévues conduisirent
à la déroute et à l'annulation de l'opération.
Huit militaires américains trouvèrent la mort
et, pendant l'évacuation, des documents compromettant
des agents de la CIA furent laissés dans des appareils
abandonnés sur place.
Les
otages furent finalement relâchés après
444 jours de captivité, le 20 janvier 1981, lors
de l'Inauguration Day aux États-Unis, le jour où
Jimmy Carter céda la présidence à Ronald
Reagan.
Evolutions
Une
des conséquences directes de l'échec de l'opération
Eagle Claw fut la création d'un commandement d'opérations
spéciales interarmées, le Joint Special Operations
Command (JSOC), sous les ordres duquel furent placées
la Delta Force et une unité de l'US Navy similaire
nouvellement créée, le SEAL Team 6.
Au début
des années 1980, le directeur du FBI William Webster
décida de combler l'écart existant entre les
unités SWAT et Delta en créant la HRT
: Hostage Rescue Team. Le colonel Paschall, commandant
Delta à l'époque, collabora avec le FBI pour
entraîner des agents du bureau dans les tactiques
et techniques contre-terroristes.
Au cours
des années 1980, Delta s'agrandit, passant d'une
centaine d'hommes répartis en deux escadrons réduits
à l'époque d'Eagle Claw, à trois escadrons
complets totalisant 200, plus 300 autres personnels de soutien
à la fin de la décennie. Delta déménagea
en 1987 de la vieille Stockade pour un nouveau QG construit
sur mesure pour 75 millions de dollars, et appelé
Security Operations Training Facility (SOTF), situé
sur le Range 19 de Fort Bragg.
Avec
le temps, Delta n'est pas demeurée une unité
purement de contre-terrorisme comme à sa création,
mais elle est devenue capable d'un large spectre de missions,
ce qui était l'idée originale de Beckwith
d'après le modèle du SAS britannique.
Delta
a continué d'augmenter en taille. Au milieu des années
1990, elle comptait environ 800 membres19, et près
de 1 000 au début des années 2000.
Missions
Le rôle
initial de la Delta Force était le contre-terrorisme,
en priorité pour protéger ou secourir les
citoyens et intérêts américains à
l'étranger. Pour des cas exceptionnels, elle peut
intervenir sur le territoire américain, notamment
en collaboration avec la Hostage Rescue Team du FBI.
Cependant,
l'unité est capable d'opérations extrêmement
diverses. Elle peut être chargée d'assurer
la protection de hautes autorités militaires américaines
(voire alliées dans certains cas) en temps de guerre
ou de tensions, d'opérations spéciales diverses
(reconnaissances et raids en arrière des lignes ennemies),
ainsi que de dispenser des formations spécifiques
à des unités étrangères.
Cette
diversité, ainsi que la possibilité laissée
aux forces spéciales américaines d'agir en
civil, fait qu'il peut être difficile de déterminer
si une opération est du ressort de la Delta Force,
des autres Special Forces US ou du service d'opérations
clandestines de la CIA.
Organisation
L'unité
est commandée par un colonel et son état-major
comprend un commandant adjoint et des officiers d'administration,
de renseignement, d'opérations, de logistique, tous
ayant le grade de lieutenant-colonel.
La force
opérationnelle de l'unité est organisée
en escadrons désignés par une lettre, sur
le modèle du Special Air Service britannique : "A
squadron", "B squadron", "C squadron"
et "D squadron"
Selon
les descriptions les plus récentes, les escadrons
comprennent 75 à 85 opérateurs répartis
entre deux troupes d'assaut d'une trentaine d'hommes, et
une troupe de reconnaissance et surveillance surnommée
"recce troop". Les troupes d'assaut sont elles-mêmes
divisées en teams de quatre ou cinq opérateurs,
et les troupes de reconnaissance et surveillance sont formées
de teams de quelques binômes snipers-spotters ayant
une expérience antérieure dans une troupe
d'assaut. Toutes ces équipes sont généralement
désignées par des codes de l'alphabet radio
militaire.
Les
opérateurs ne représentaient qu'environ 250
hommes sur le millier que comptait approximativement l'unité
en 2000. Les autres forment une structure de soutien considérable.
Un escadron de soutien regroupe le personnel responsable
de l'administration, de la finance, de la logistique, de
la planification des opérations.
Il comprend
un détachement de sélection et de formation
des recrues (S&T detachment, pour selection and training)
dont un psychologue, un détachement médical,
un détachement de recherche et développement
d'armes et de matériel, un détachement technique
et électronique (T&E) pour le matériel
d'écoute et de renseignement.
L'escadron
de soutien comprend également un détachement
de renseignement entraîné à opérer
clandestinement dans des pays étrangers pour reconnaître
des objectifs. Initialement surnommé "Funny
Platoon", ce détachement est né d'un
long conflit avec l'Intelligence Support Activity (ISA)
qui avait le même rôle mais refusait de laisser
Delta évaluer ses agents. La Funny Platoon a intégré
des soldats féminins à partir de 1990.
Sélection
La plupart
des recrues proviennent des Special Forces et du 75th Ranger
Regiment, mais certains viennent d'autres unités
de l'US Army. Environ 70 % des opérateurs Delta seraient
d'anciens Rangers.
La sélection
est appelée assessment and selection course,
a lieu deux fois par an et dure environ un mois. Elle commence
par des tests physiques de base comprenant des pompes, des
abdominaux, et un sprint, une épreuve consistant
à ramper et une de natation en treillis. Les candidats
de sélection sont ensuite testés dans une
série de marches de navigation terrestre similaires
à celles du Special Air Service britannique, dans
les Appalaches autour de Camp Dawson en Virginie-Occidentale.
Les distances à parcourir et les poids des sacs sont
progressivement augmentés et la durée limite
de l'épreuve diminuée. Cette "Stress
Phase" culmine au bout d'environ un mois par une marche
de 64Km sur un terrain ardu avec un sac à dos de
30 kg à effectuer dans une limite de vingt heures.
Cette
phase de test ne sert pas uniquement à évaluer
l'endurance des candidats mais aussi leur détermination
et leur autodiscipline. Cela est complété
par des évaluations psychologiques. Les hommes passent
ensuite face à un jury réunissant des instructeurs
Delta, des psychologues et du commandant de l'unité.
Le taux de réussite à chaque sélection
varie mais est généralement d'environ 10 %.
Formation
Les
candidats retenus suivent ensuite l'Operator Training Course
(OTC) à Fort Bragg qui dure environ six mois. Celle-ci
comprend des centaines d'heures de tir, l'apprentissage
de tactiques avancées d'infanterie, et le drill d'assauts
de bâtiments et de combat en milieux clos. Ils suivent
également des instructions à la conduite de
véhicules, à la protection rapprochée
et à opérer clandestinement en zone hostile.
Les sortants de ce cours sont ensuite affectés en
unité où, après 18 mois de formation
sur le tas, ils reçoivent le Special Qualification
Identifier “T” qui les qualifie en tant qu'opérateur.